• La campagne (voir article suivant dans la rubrique "Brésil barrage Xingu") pour éviter le désastre social et environnemental que serait la construction du barrage de Belo Monte, sur la grande boucle du Xingu n'a pas encore suffi. L'une après l'autre, les institutions se plient à la volonté du gouvernement brésilien et l'appel d'offres pour la construction va être lancé ces jours ci.

    Un panel de 40 spécialistes universitaires a analysé l'étude d'impact environnemental réalisé par Leme Engenharia, une filiale de Tractebel, du groupe GDF SUEZ... pour les entreprises elles mêmes. Leurs conclusions sont accablantes, les voici:

    Les conclusions ont été communiquées à l’Institut Brésilien de l’Environnement et du Renouvellement des Ressources Naturelles (IBAMA) le 1er octobre 2009, pour donner des éléments d’analyse sur la viabilité environnementale du projet, et au Ministère Public Fédéral (MPF) qui doit vérifier s’il y a des violations de la loi, étant données les graves conséquences du projet.

    Le panel a identifié premièrement diverses omissions et failles dans les études d’impact environnemental, qui ont rendu les analyses difficiles mais concluantes sur des thèmes considérés comme clés. Malgré le peu de temps dont ils disposaient pour l’analyse des documents, les spécialistes ont conclu que Belo Monte doit entraîner de graves conséquences pour la région, ses habitants et les écosystèmes de la forêt amazonienne et que, de plus, l’Etude d’Impact Environnemental (EIA) ignore la dimension de la majorité de ces impacts.

    Pour les spécialistes qui y ont participé, l’inefficacité énergétique inouïe du projet et le processus accéléré et violé des audiences publiques montrent que le gouvernement  et les entreprises de construction veulent construire le grand barrage à n’importe quel coût. Le panel de spécialistes, de manière citoyenne, alerte le gouvernement et la population sur cette grave erreur, dont les coûts réels ne sont pas connus et que les études incomplètes et sous-évaluées de l’EIA ne permettent pas d’estimer.

    Entre les thèmes analysés figure la viabilité économique du projet ; les impacts de la construction du projet sur une aire couvrant plus de 1000 km2 ; les impacts sur les populations indigènes ; le chaos social qui serait provoqué par la migration de plus de 100.000 personnes vers la région et par le déplacement forcé de 20.000 personnes ; les impacts sur les poissons et la faune aquatique en général ; la possibilité d’extinction d’espèces ; les émissions de grandes quantités de gaz à effet de serre ; l’insécurité hydrique et alimentaire ; la sous-estimation de la population touchée et de la Zone Directement Affectée (ADA).

    Selon Francisco Hernandez, Ingénieur électricien de l’Université de Sao Paulo (USP) et l’un des coordinateurs du panel, « le barrage altère la dynamique saisonnière de la Grande Boucle du Xingu, exubérant parc de la biodiversité amazonienne, qui évolue selon cette dynamique fluctuante des eaux, un monument fluvial de première grandeur ».

    Pour Hernandez, Belo Monte est « d’une viabilité douteuse sur le plan de l’ingénierie, une œuvre extrêmement complexe qui dépend de la construction non seulement d’un barrage, mais d’une série de grands barrages et digues qui interrompra le flux des eaux sur une aire énorme, nécessitant le déplacement d’un volume de terre et de roches similaire à celui de la construction du Canal de Panama ».

    Il a souligné que Belo Monte doit générer peu d’énergie pendant la période de 3 ou 4 mois par an de basses eaux – une oisiveté annoncée. « Ce cadre ne justifie pas un investissement estimé à 21 milliards de Reals, selon l’Entreprise de Recherche Energétique (EPE) ou à plus de 30 milliards selon les estimations des entreprises privées et du Président d’Electronorte, sans compter l’énorme coût social et l’énorme dévastation que le projet entraînerait ».

    Sônia Magalhães, anthropologue de l’Université fédérale du Pará (UFPA) et co-coordinatrice du panel, dit : « L’EIA sous-estime la population rurale, de telle sorte que la population directement affectée peut être le double de celle qui est indiquée. Seul un nouveau recensement peut en confirmer le nombre réel ». Selon S. Magalhães, les programmes pour la réduction d’impact ne prennent pas en compte l’énormité du projet et ses impacts.

    Parmi les impacts les plus importants identifiés par les études des spécialistes figurent ceux qui devraient résulter de la déviation de plus de 80% du flux du Xingu par deux canaux artificiels en direction de la centrale.

    Selon des études faites par l’hydrologue Jorge Molina Carpio, il n’y a pas de justification technique démontrable pour le choix de l’expression « flux écologique » qui laisserait les populations de la Grande Boucle du Xingu en situation d’insécurité hydrique et alimentaire. «  La Grande Boucle du Xingu souffrira, sur près de 100km, d’une réduction de flux et d’un abaissement de la nappe phréatique, provoquant un tronçon de flux réduit (TVR) avec divers impacts biologiques et sociaux associés, comme les problèmes pour la navigation et les effets sur les forêts inondables ».

    Une analyse similaire est faite par Geraldo Mendes dos Santos, de l’Institut National de Recherches de l’Amazonie (INPA), une des autorités majeures sur l’ictyofaune amazonienne, alerte : « la valeur maximale prévue pour les flux du TVR ne dépasse pas 8000m3/s mais il est bon de se rappeler que cette valeur n’atteint pas le tiers de la valeur maximale de la crue naturelle du Rio Xingu, qui tourne autour de 23.000m3/s ».

    Ceci signifie que le TVR ne disposera jamais des conditions naturelles existant auparavant et sur lesquelles la faune et la flore se sont développées. « Certainement, l’ensemble des espèces qui vivent dans ce tronçon du fleuve ne survivra pas sous un régime de flux imposé par décret ou par une norme administrative, que cela vienne du gouvernement, des entreprises ou même de la science », affirme Mendes dos Santos.

    Paulo Buckup, Président de la Société Brésilienne d’Ictyologie, et un groupe d’ictyologues affirment : L’EIA « ne prend pas la dimension de l’impact réel sur l’ictyofaune dans l’aire de 100km qui sera touchée (…). Le flux réduit va provoquer la mort de millions de poissons le long des 100km ou plus de la Grande Boucle et il n’y a pas de mesure qui puisse être prise pour réduire ou même compenser cet impact ».

    Antonio Carlos Magalhães, anthropologue qui se dédie depuis des décades aux études dans la région, comme d’autres parmi les spécialistes du panel, soutient que la Grand Boucle constitue la principale cible de Belo Monte. « C’est là que sont localisés le barrage principal, les digues, les canaux, les chantiers et la réduction de l’offre d’eau pour le flux réduit prévu. Tous les principaux ouvrages seront situés à la limite des terres indigènes, sujettes aux impacts physiques des travaux et par dessus tout, aux impacts sociaux et culturels que la proximité du chantier de travaux, l’afflux de population employée et en recherche d’emploi provoqueront sûrement », se préoccupe-t-il.

    Les chercheurs concluent que les effets sur la population de la Grand Boucle, principalement indigènes, seront l’équivalent d’une sécheresse permanente, avec une diminution de la nappe phréatique, des mutations des tronçons navigables, une importante perte de la faune aquatique et terrestre, en plus du manque d’eau : «  C’est-à-dire une perte de ressources naturelles, y compris hydriques, qui ont une incidence directe sur les modèles de vie sociale des indiens qui vivent là », traduit Antonio Carlos Magalhães.  Malgré de si graves conséquences, les indiens, riverains et travailleurs de la Grand Boucle n’ont jamais été considérés par l’EIA comme directement impactés.

    Pour Nirvia Ravena, Professeur à l’UFPA, « en cessant d’exister, la sécurité hydrique est un droit violé, mais une fois qu’elle n’est pas mentionnée par l’EIA, le Ministère Public Fédéral et les juges ne la détectent pas. Compromettre avec une telle intensité les formes de vie de cette population rend infaisable la construction du barrage ».

    « La logique exige ceux qui sont touchés par l’assèchement du fleuve et des eaux souterraines soient considérés touchés comme ceux qui le sont par l’inondation de leurs terres et de leurs biens. L’éthique exige que tous ceux qui auraient de fait un préjudice soient considérés comme touchés, et dans ce cas, le nombre officiel serait clairement au dessous de la réalité, analyse Oswaldo Sevá, ingénieur mécanicien, Professeur à l’Université d’Etat de Campinas (UNICAMP).

    Hermes Medeiros, Docteur en Ecologie, Professeur à l’UFPA, part d’une constatation qui impressionne : «  le bassin du Xingu représente une des richesses majeures en espèces de poissons qui ait été observée sur la Terre, avec environ quatre fois le total des espèces rencontrées dans toute l’Europe ».

    Quant aux mammifères aquatiques, le spécialiste signale : «  le fait le plus remarqué sur es mammifères aquatiques est que l’Etude et Rapport d’Impact Environnemental (EIA-RIMA) en traite à peine de manière descriptive, basée sur la littérature et la collecte de données. Il n’y a pas même un paragraphe sur l’évaluation des impacts que le barrage entraînera sur eux, ni sur le milieu dans lequel ils vivent. Cette omission est grave et doit être réparée. »

    Avec Belo Monte, la barrière géographique naturelle des cascades et rochers de la Grande Boucle cessera d’exister, ce qui menace la biodiversité actuelle. Medeiros conclut que les systèmes d’écluses prévues  pourraient rompre cet isolement, « causant l’extinction de centaines d’espèces, en plus des impacts socioéconomiques imprévisibles, y compris pour l’approvisionnement hydroélectrique lui-même, par des processus qui une fois enclenchés ne peuvent pas être inversés ni contrôlés ». Espèces qui, selon Paulo Buckup, Président de la Société Brésilienne d’Ictyologie et un groupe d’ictyologues, présentent « divers problèmes d’identification et de collecte ».

    Sur la déforestation, Medeiros interroge l’absence dans l’EIA de prévisions pour le futur, ce qui serait possible avec l’application de méthodes de simulation amplement utilisées aujourd’hui. Dès l’expectative d’implantation du projet il en est déjà résulté dans les périodes antérieures un flux migratoire et une accélération du processus de déforestation de la région. En plus de cela, la région est dans l’arc de déforestation, présentant déjà des zones étendues dégradées et peu productives.

    Ces projections de déforestation son fondamentales aussi considérant la proximité des Unités de Conservation (UCs) et des Terres Indigènes (TIs) avec les zones qui seront occupées par les travaux et l’afflux de population. «  Dans l’EIA il y a une incohérence entre ce qui est discuté par les spécialistes d’écosystèmes terrestres, qui reconnaissent que la forêt inondable sera perdue et la non- considération de ces effets dans la proposition d’unités de conservation comme mesures compensatrices », affirme Hermes Medeiros.

    La justification pour l’accent mis par le secteur énergétique à la source hydraulique pour générer de l’énergie s’appuie sur l’argument de l’énergie propre. Or les barrages émettent du méthane, un gaz à effet de serre avec 25 fois plus d’impact sur le réchauffement global par tonne de gaz que le gaz carbonique, selon les conversions actuelles du Panel Intergouvernemental des Mutations Climatiques (IPCC).

    Selon Philip Fearnside, du Département d’Ecologie du INPA, «  le auteurs de l’EIA calculent les émissions basses de méthane des barrages, en ignorant deux principales voies pour l’émission de ce gaz : l’eau qui passe par les turbines et par les déversoirs. L’étude considère seulement le méthane émis à la surface du lac lui-même, et ne mentionne pas les émissions des turbines et des déversoirs, ce qui est une distorsion encore plus grave dans le cas de Belo Monte que pour les autres barrages, du fait que la surface du réservoir de Belo Monte est relativement petite, mais avec un grand volume d’eau passant par les turbines. » 

    Pour plus d’informations : 

    Sônia Barbosa Magalhães, Email: paineldeespecialistas@gmail.com  -Renata Pinheiro, Movimento Xingu Vivo para Sempre, Email: xingu.vivo@yahoo.com.br

    Contact en France Catherine gégout: cathgegout@hotmail.com

     


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