• La rue n'est qu'une série de boutiques étroites, toutes ont une petite mezzanine qui sert de couchette. Dans l'une, des ouvriers, assis sur des sacs de plâtre, puis un Tea shop, un Fresh Chicken center avec ses cages à poulets, des repasseurs, des tailleurs, un matelassier. Une famille est devant la télé, un homme, accoudé à l'extérieur, la regarde par la fenêtre. La rue débouche sur le marché, en plein air, dans un dédale de ruelles. Moins de bruit qu'ailleurs, peu de voitures peuvent passer. Couleurs, odeurs des fruits et légumes, bien rangés en pyramides luisantes dans des paniers ronds. Petites aubergines, melons, carottes rouge foncé, papayes, herbes, épices, riz, poissons frais. Odeur épicée de la friture vendue par les marchands des rues. Lanternes à gaz allumées sur chaque chariot. Un barbier, une mosquée, des bijoutiers regroupés dans une ruelle, un marchand d'échelles et d'échafaudages de bambou. Au fond d'une cour, de la musique, des enfants dansent en poussant des cris de joie. Ils éclatent de rire en me voyant.

    Tout à coup, on est pris à la gorge par l'odeur âcre, bien reconnaissable d'un bidonville, imbriqué dans le marché. Sans transition, la boue, les enfants endormis par terre, les femmes errantes.


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  • C'est l'heure où les bidonvilles se réveillent. Chacun vaque à sa toilette le long des voies. Ils font leurs besoins en regardant passer le train, à quelques mètres, les couilles à l'air. Les femmes font sécher le linge sur les cailloux le long des voies. D'autres font leur toilette, se frottent les gencives avec les doigts, mieux vaut ne pas regarder avec quelle eau. Des familles, groupées, prennent leur repas sur le sol, au milieu des immondices.

    De temps en temps, une lueur de fraîcheur verte, des carrés de verdure : ce sont des jardins potagers bien tenus, aménagés sur quelques mètres de large le long des voies.


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  • Quand je suis arrivée à Managua, au Nicaragua, le soir, quartier glauque du terminal de bus. L'auberge du guide était pleine, j'ai atterri dans un petit hostal: patronne sale et lamentable, chambre construite dans la cuisine avec des parois de carton, qui faisaient à peine le tour d'un lit étroit. Un cadenas accroché à rien. Pas de drap... enfin super, mais j'avais payé (cher pour ça) avant de voir, c'était tard, mon sac était lourd...
     
    Le lendemain, j'ai changé, dans le même quartier, pour une auberge très simple, mais sympa et avec un grand hall aéré où les gens se retrouvaient, tranquille et agréable.
     
    Une chambre seule, claire, avec douche à l'intérieur! Le luxe, même si l'évacuation de la douche était un trou dans le carrelage, qui devait conduire quelque part derrière la maison.
     
    Donc je m'installe. J'entends les râles prolongés d'un homme dans la maison d'à coté, en train d'agoniser ou d'avoir un orgasme. Vu la durée, j'opte pour l'agonie. Finalement, ce ne sera pas ça non plus, parce qu'il recommence chaque soir á la même heure...
     
    Mon râleur se tait, et j'ai l'impression d'une présence dans la chambre, ténue mais bien réelle. Je cherche.
    Dans la douche, une grosse tache noire, que je n'avais pas vue avant, sur le trou d'évacuation: une colonie de très grosses fourmis noires en train de construire à toute vitesse une fourmillière en extrayant des matériaux du conduit de la douche. Impressionant.
     
    Les jours qui ont suivi ont été une lutte quotidienne entre moi et les fourmis pénélopes. Deux fois par jour je les faisais disparaître à grande eau avec leur ouvrage dans le trou de la douche, et je retrouvais la construction en cours à mon retour. Ca ne me dérangeait pas; finalement c'était comme une connivence entre nous.
     
    Elles devaient savoir quelque part que je ne resterais pas, sinon pourquoi auraient elles continué? Elle vous plait, mon histoire? N'ayez pas peur, sur la photo, ce n'est qu'une araignée postiche, dans la vitrine d'un bijoutier de Mexico, pour le jour des morts!

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  • Des petits marchands vendent des plats en sauce sur de petits plateaux à compartiments. Les gens mangent avec les doigts, enveloppant la nourriture, de la main droite, dans des morceaux de " nan " frits. Des marchands de thé au lait, très sucré sont assaillis. Mieux vaut ne pas faire attention à l'état des récipients.

    Neuf heures : multitude de gens qui marchent dans la ville, déversés par les trains de banlieue.

    Plus tard, en fin de matinée, arrivent par le train des centaines de gamelles que se sont préparées les voyageurs de banlieue... on ne mange pas la nourriture préparée par n'importe qui, dans un pays où les castes sont si prégnantes. Mystérieux circuits, chaque gamelle, boite ou sac est numéroté. Des porteurs les chargent sur de longues palettes pour aller livrer à chacun son repas sur son lieu de travail. Comment tout cela arrive-t-il à bon port, dispersé dans la ville ? Cela fait partie du mystère indien. Peu importe, chaque jour, les gamelles rejoignent en temps voulu leurs destinataires.

    Tout à coup, panique, les marchands de friture, portant sur la tête leur plateau métallique et tout son matériel. En une minute, tous se sont volatilisés. Un camion municipal arrive, il fait la chasse aux marchands sans licence. Près d'une heure plus tard, ils n'en ont attrapé que deux ou trois, et rempli le camion de leur matériel. Un seul homme en uniforme ; les autres, en civil, ramènent ceux qu'ils ont pu capturer avec leur matériel hétéroclite. Attroupements que le policier a du mal à disperser.


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  • Dans la ruelle à côté de la halle, c'est déjà un semi bidonville, mais on vend encore du poisson. Des enfants trient les crevettes et les poissons sur une bâche, les rincent dans l'eau du caniveau qui déborde sur la bâche. Les gens dorment sur place, dans des échoppes improvisées de bouts de planches. Des femmes et des enfants vont chercher l'eau au seul point d'eau, des jarres d'aluminium sur la tête. Soleil du matin, couleurs vives des saris, silhouettes gracieuses des porteuses d'eau.

    Dans une autre ruelle, les marchands de vêtements commencent à s'installer sur des échafaudages de planches disparates. Des marchands d'eau circulent avec des tonneaux, des citernes métalliques ; les gens y vont avec leurs jarres.

    Je retrouve à nouveau les corbeaux du marché à la viande. Et tout à coup, le choc : un homme grisonnant, couché par terre sur le dos, les bras en l'air; à côté de sa tête, une sébile. Les yeux fixes, presque plus de dents , la langue sortie, il expire une litanie de borborygmes. Ses jambes ne sont plus que des moignons désarticulés pas plus épais que l'os, agités de convulsions. Les gens passent en frôlant ce lambeau d'homme torturé et agonisant sans le regarder... sans le voir ? Insoutenable.

    A côté un panneau officiel " Gardons Mumbaï propre et vert ".


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